L’enfant qui ne voulait pas grandir
Imaginez une boite en bois à mille et un tiroirs ainsi qu’une quinzaine d’instruments posés sur la scène puis prenez trois comédiens musiciens qui jouent avec tout ça.
A chaque tiroir son histoire, son accessoire. A chaque instrument son personnage, son univers. Vous mélangez et vous avez L’Enfant qui ne voulait pas grandir, un spectacle musical dans lequel trois interprètes restituent la véritable histoire de Peter Pan, celle imaginée pour la première fois dans la pièce de théâtre fantasque de J. M. Barrie au début du 20ème siècle …
A travers cette création destinée au jeune public, la compagnie Prélude redonne vie au célèbre personnage de Peter Pan, celui qui habite l’imaginaire de chacun de nous, depuis notre enfance.
Qui est vraiment cet enfant qui refuse de grandir ? Derrière l’icône, qui connait le véritable Peter Pan, celui qu’a imaginé son créateur ?
Nous avons oublié que sous ce masque de lutin rigolard, se cache en réalité un sale gosse, tricheur et tyrannique. Que sous ses airs cruels, le Capitaine Crochet est souvent touchant comme un enfant un petit peu trop sensible (et un petit peu trop sanguinaire aussi). Et que cette brave Fée Clochette n’est ni plus ni moins qu’une psychopathe sans scrupules, prête à commanditer l’assassinat d’une rivale, sans sourciller.
Une invitation au voyage
La pièce s’articule autour de 6 tableaux. Le départ se fait de la maison de la famille Darling dans laquelle se trouvent Wendy et ses frères, direction : le Pays Imaginaire où l’on atterrit dans le lagon aux sirènes, la maison sous la terre puis à bord du terrible bateau pirate du Capitaine Crochet pour finir par le retour des enfants Darling chez eux, à Londres.
En s’appuyant sur la pièce de théâtre de J. M. Barrie, la Cie Prélude raconte l’histoire de Peter Pan dans toute sa complexité. Celle de ses personnages mais aussi celle des thèmes qu’elle aborde, comme l’enfance, le jeu, le temps qui passe, le rapport à la mort ainsi que la représentation de la famille. A travers différents langages : le théâtre, la musique et la scénographie, les trois interprètes tous comédiens et musiciens restituent toute la magie et la loufoquerie originelle de cette œuvre.
Présentant un vif intérêt pour la transmission, le Pays Imaginaire de Peter Pan a semblé à la Cie, être le lieu idéal pour faire découvrir aux enfants le monde du théâtre. Ce monde dans lequel le JEU est à la base de chaque action, chaque pensée, pour faire voyager le spectateur. Ce voyage poétique qui mène en dehors et tout à la fois à l’intérieur de soi.
Les différents langages
Au travers de sa création, la compagnie Prélude fait appel à différents langages pour transformer le plateau en « Pays imaginaire ».
Le théâtre
La perméabilité et la transversalité des rôles
Tout est possible au théâtre autant qu’au Pays Imaginaire de Peter Pan. Cette similarité a poussé les interprètes à s’emparer de la scène comme d’un terrain de jeu. Les trois comédiens musiciens occupent le plateau pendant l’intégralité de la pièce et se muent en différents personnages sous les yeux du public. Un chapeau, une musique, un accessoire ponctuent ces changements tout au long de l’histoire.
Questionner les points d’optique a été le départ du processus de création de la Cie. Comment regardons-nous le monde ? Avec pour commencer l’audace et l’inventivité de ces enfants épris de liberté ; ceux qui jouent au Papa et à la Maman, ceux qui combattent les Pirates, qui s’envolent, qui mangent un repas imaginaire. Cette candeur enfantine ne fait que mettre en lumière les thèmes
importants et parfois plus sombres de la pièce comme le rapport au temps qui passe ou à la mort.
Sous cette fameuse « baguette magique de l’art », les interprètes se sont donc amusés, comme des enfants, à jouer à être quelqu’un d’autre. Le Capitaine Crochet sera donc interprété par une femme et la Fée Clochette, par un gaillard barbu de 80 kilos. Ce décalage à la portée comique renforce ce sentiment de liberté propre à l’univers de Peter Pan.
Ce monde imaginaire qui appartient aux enfants, n’est-il pas aussi celui des artistes ? N’est-il pas un théâtre dans lequel tout devient possible ? Ces questionnements peuvent être le point de départ d’une réflexion avec les élèves sur le théâtre comme survivance de l’enfance ainsi que sur la place de l’artiste de la société.
La musique
La place essentielle de la musique dans le spectacle
La musique, élément central du spectacle, est intégralement interprétée en scène, par les 3 comédiens-musiciens qui utilisent une quinzaine d’instruments. Ces derniers ont été choisis, tant pour l’imaginaire qu’ils développent, à l’instar de la harpe ou de la scie musicale ; que pour leur pouvoir d’évocation, comme le tambour-océan ou encore pour leur incongruité et leur portée comique, ce qui est le cas notamment du martinophone, instrument rarissime, dont l’allure spectaculaire dissimule mal un son tout aussi saugrenu que burlesque.
L’un des comédiens/musiciens est le narrateur intra et extra diégétique de l’histoire créant ainsi une distance burlesque avec le déroulement de l’histoire. Ses interventions venant briser le 4ème mur viennent ponctuer le spectacle et créent un lien récurrent avec les spectateurs, fil rouge qui permet une sorte de dialogue, l’interaction entre les comédiens et le public. Omniprésente tout au long du spectacle et imposante sur le plateau de par la multitude d’instruments présents sur scène, la musique tient tout à la fois lieu de scénographie, de personnage et de décor sonore. Elle nappe le spectacle d’un climat de féérie. Théâtre et musique s’entremêlent et participent autant à l’émotion, à la sensation qu’à la compréhension du récit.
Tous les interprètes s’inscrivent à la frontière de plusieurs disciplines : théâtre, musique et même magie. C’est pourquoi la Cie à travers cette création a cherché à créer un monde, de personnages et d’émotions autant avec des instruments qu’en faisant appel au jeu théâtral ou à la scénographie.
Cette démarche est l’occasion de sensibiliser les élèves à la musique de scène, découvrir aussi l’univers du bruitage et réfléchir aux manières de raconter une histoire en musique.
La scénographie
Une scénographie qui laisse place à l’imagination du spectateur
Dans son processus de création, la Cie cherchait à créer un élément scénographique qui pourrait servir de matrice donnant naissance à chaque tableau de l’histoire. Un espace de référence autour duquel les interprètes pourraient graviter. C’est pourquoi, un peu comme une boite de magicien dans laquelle entre une femme qui ressort coupée en deux, Nicolas Gerbaud, metteur en scène et comédien de la pièce, a imaginé et construit une grande boite en bois à trappes, chacune contenant des accessoires, des instruments, de la lumière, des tableaux. Les interprètes jouent avec cette boite magique qui ouvre ses tiroirs à chaque avancée du récit, pour créer un nouveau tableau avec de nouveaux personnages, de nouvelles situations. Cette boite et les instruments servent de seul décor. La Cie a cherché à partir du petit pour faire voir le grand. En créant des espaces avec des images, de la lumière et de la musique pour amener le spectateur à rêver, à imaginer plutôt qu’à regarder. Exactement comme au Pays Imaginaire. C’est pourquoi le Capitaine n’a pas de crochet au bout du bras. Ce dernier se trouve sur scène et apparait en lumière à chacune de ses apparitions. Cet élément suffit à créer l’image dans l’esprit du spectateur et suffit à sa compréhension. Ces astuces permettent aux interprètes d’appréhender le plateau comme un espace de jeu et de se transformer en différents personnages à vue du public, sans le dérouter.
Dans sa scénographie la Cie Prélude a donc pris le parti de laisser une place importante à l’imagination des spectateurs. Comme celle dont les personnages de Peter Pan doivent faire preuve pour atteindre le Pays Imaginaire. Aborder certaines notions de scénographie permet aux élèves de discuter de la place du décor dans un spectacle mais aussi de s’interroger sur cette capacité que nous avons tous de voir plus loin que l’image que nous avons sous les yeux. Cette faculté à voir l’invisible.
Les thématiques de la pièce
L’enfance et le jeu
J. M. Barrie fait des enfants les personnages principaux de son histoire.
Il joue avec leur faculté à rêver. Le monde imaginaire est cet endroit magique dans lequel on ne grandit jamais, dans lequel on peut continuer à inventer et faire un jeu de tout ce qui nous entoure. Même des plus grandes batailles.
La Cie pourra aborder ces thèmes au travers d’exercices de théâtre pour développer l’imaginaire des élèves. De quoi part-on pour imaginer ? Il y a ce qu’il y a à l’extérieur de soi, les autres, ce qu’on voit, les contes mais il y a aussi l’intérieur. Partir de soi, de son identité et de ses émotions.
Le temps qui passe
Tout au long de la pièce, il semble à Peter Pan que devenir un adulte reviendrait à perdre les pouvoirs de son enfance. Ceux de s’amuser, imaginer, jouer. Grandir et quitter ce pays reviendrait à laisser le temps lui échapper.
Le monde des enfants perdus est donc un endroit dans lequel le temps ne s’écoule pas.
Mais qui peut échapper au temps qui passe ?
Ce thème se retrouve même dans l’histoire du Crocodile ayant avalé une horloge qui poursuit le Capitaine Crochet sans relâche.
De plus, L’évocation de la mort est récurrente chez le personnage de Peter Pan et dans toute la pièce. Ce gosse intrépide sublime l’idée de la mort en la comparant à « une sacrée aventure ».
Encore une fois, au Pays Imaginaire, tout est transformable. Tout peut devenir un jeu. Et la mort ne semble pas faire peur à Peter.
Wendy veut grandir quant à elle et tente de ramener Peter à la raison mais celui-ci décidera à la fin de devenir le Capitaine Crochet après l’avoir affronté. Cette décision que l’on ne retrouve que rarement dans les autres adaptations est une conclusion plus sombre mais pourtant nécessaire à la véritable compréhension du message de l’auteur. Peut-on rester un enfant toute sa vie ? Ne finit-on pas par devenir un Capitaine Crochet ?
La représentation de la famille
Le thème de la parentalité est très présent dans la pièce. Les enfants perdus sont des orphelins.
Abandonnés par leurs parents, ils sont en quelque sorte coincés au Pays Imaginaire avec pour chef Peter Pan qui décide de leur trouver une maman. Ce mot « Maman » est un mystère pour ces enfants là.
Affranchis de toutes règles, ils semblent tout de même singer une vie dans laquelle ils seraient sous la bienveillance et la protection d’une mère qu’ils n’ont pas eue.
Cette thématique est essentielle dans l’œuvre. Que sommes-nous sans parents ? Sans l’autorité parentale mais aussi sans l’amour et la bienveillance d’une mère ? Aborder ses questions avec les élèves pourrait être l’occasion de discuter avec eux de leur propre représentation du schéma familial et repenser les idées de J. M. Barrie en 2021. Ces questionnements peuvent amener à improviser avec les élèves en se basant sur leur vécu et leur identité.
Autour de la création
Rencontre avec l’équipe du spectacle après la pièce (30 min)
Lors de cette rencontre, la Cie présentera la pièce, ses thématiques, ses langages ainsi que le processus de création. Cela sera suivi d’un moment d’échange avec les élèves où nous répondrons à leurs questions et d’une brève présentation des instruments.
Découverte des instruments (1h – pour 1 classe)
Une heure à la découverte d’instruments atypiques voire pour certains rarissimes et pour discuter de la force d’évocation de chacun d’eux.
Atelier théâtre (2h – 2 classes)
Suite à la rencontre avec l’équipe, lors de cet atelier, il s’agira pour les élèves de réfléchir aux sujets de la pièce. À partir de cet échange, par un jeu de mise en situation, proposé par l’intervenant.e, les élèves improviseront. Repartis en petits groupes, les élèves seront tantôt spectateurs tantôt interprètes. Le regard critique sera encouragé et la construction des scénettes avancera de façon collective. Une manière ludique et créative de se confronter à la scène.
Atelier musique (2h – 2 classes)
Après une présentation des instruments, l’intervenant musicien professionnel, sensibilisera les élèves à la musique de scène.
Il est possible de combiner l’atelier musique et théâtre sur 2 heures avec 2 classes.
Stage de pratique théâtrale et/ou musicale (8h sur 1 à 4 jours – pour 1 à 2 classes)
Un travail plus poussé que dans les ateliers autour des thématiques de la pièce, qui pourrait mener à une restitution.
Dans l’idéal, cela peut s’inscrire dans un projet de parcours plus long. Autour de ces axes, la Cie peut décliner toute une série des propositions, dont vous trouverez quelques exemples ici, et elle peut aussi étudier des demandes spécifiques ou s’inscrire dans des projets plus larges, pensés en amont, avec les enseignant.e.s.